Dans ce billet, je voudrais aborder brièvement le bilinguisme et les troubles du langage. C’est-à-dire, les enfants qui ont un trouble du langage peuvent-ils apprendre plus d’une langue avec succès ? En tant qu’orthophoniste, les parents me demandent souvent cette question à propos de leur enfant, spécialement lorsqu’ils doivent choisir la langue d’enseignement des enfants. Ce n’est pas une question évidente à répondre. Cela dépend de plusieurs facteurs, commençons d’abord avec ce que certains experts ont trouvé.
Dans ma pratique professionnelle, je consulte souvent le travail de deux chercheurs : Dr. Kathryn Kohnert, orthophoniste et professeure à l’Université du Minnesota et Dr. Fred Genesee, psychologue et professeur à l’Université McGill. Dr. Kohnert parle des éléments essentiels qui sont intrinsèquement liés à l’acquisition d’une langue. Les compétences linguistiques sont développées selon les Moyens, les Opportunités et les Motivations. Elle appelle cela « MOM ». L’individu doit avoir, d’abord et avant tout, les Moyens d’apprendre la langue. Autrement dit, les systèmes cognitifs, sensoriels, sociaux, émotionnels et neurobiologiques ne doivent pas être atteints ou affaiblis. Des lacunes ou des problèmes au niveau de ces systèmes peuvent entraîner des difficultés dans l’acquisition et l’utilisation de la langue. Ensuite, les Opportunités qui offrent un environnement linguistique riche ainsi que les Opportunités positives permettant l’acquisition et l’utilisation d’une langue particulière pour fournir des interactions de communication enrichissantes doivent être présentes. Enfin, la Motivation provenant de ressources variées est d’une grande importance : que ce soit des ressources internes ou externes, des besoins environnementaux, des opportunités et des préférences associées à différents contextes sociaux. Tous ces facteurs jouent un rôle essentiel dans l’acquisition et le maintien de la langue chez les enfants. Que ce soit une langue première ou seconde. Les enfants avec un trouble spécifique du langage (TSL) n’ont pas de déficiences neurologiques évidentes, ce qui signifie qu’ils peuvent aussi apprendre deux langues s’ils sont MOTIVÉS à apprendre deux langues et qu’ils ont de bonnes Opportunités et possibilités de le faire. Dans la plupart des cas, les enfants que je côtoie au travail ont les Moyens d’apprendre une deuxième langue. Cependant, étant donné que nous vivons dans une communauté majoritairement anglophone, ce sont souvent les Opportunités et les Motivations qui ne sont pas à la hauteur lorsque les enfants apprennent une langue minoritaire. Cela est particulièrement vrai quand la majorité des adultes qui parlent la langue minoritaire parlent aussi la langue majoritaire… Parfois, les enfants ne voient pas la nécessité de mettre autant d’efforts dans l’apprentissage de la langue minoritaire. C’est donc notre devoir, en tant que parents, orthophonistes et enseignants de s’assurer que les enfants comprennent POURQUOI ils apprennent deux langues et de leur donner des raisons de VOULOIR parler les DEUX langues. Dr. Genesee parle plus de ce qui est nécessaire à l’apprentissage d’une langue seconde. C’est aussi simple que REC. Cela signifie Réfléchir, Engagement à long terme et la Création d'un environnement d’apprentissage additif. En fait, il a donné une conférence très intéressante appelée « Bilinguisme de la petite enfance : Périls et Possibilités » dont la version écrite est disponible ici. Je vais les résumer brièvement pour vous, mais je vous recommande de lire l'article. Réfléchir représente essentiellement que notre travail en tant que parents est de planifier des expériences d’apprentissage des langues pour notre enfant pour qu’il obtienne une exposition adéquate aux deux (toutes) langues. Nous devons prendre des décisions pour ce qui est de qui utilise quelle langue et quand il peut/doit l’utiliser. Nous devons aussi fournir une exposition continue et régulière des deux (ou plus) langues. Le bilinguisme est un Engagement à long terme. Les parents ont besoin d’être préparés, de garder les deux langues ainsi que de faire des arrangements à long terme qui assureront une exposition continue et adéquate aux deux langues. Il est primordial pour les parents de ne pas modifier les stratégies ou changer d’école sans y penser sérieusement. Enfin, le Dr. Genesee parle de la Création d’un environnement d’apprentissage additif. L’environnement d’apprentissage est crucial. Bien que les enfants ont la capacité, à long terme, d’apprendre une double compétence linguistique (deux langues), cela n’est pas automatique et dépend de la qualité des apports. Les parents ont besoin d’être confiant et de mettre en évidence les aspects positifs d’être bilingue. Créer des opportunités pour élargir l’apprentissage d’une langue est très important comme côtoyer des groupes de jeux (équipes sportives), aller en vacances familiales, aller visiter les membres de la famille qui parlent la langue d’origine, etc. Même lorsque les membres de la famille vivent loin, beaucoup d’opportunités peuvent être faites via Skype ou FaceTime. Voici un lien vers le blog d’un parent qui donne des idées pertinentes sur la façon de tirer tous les avantages de Skype. Enfin, nous avons besoin de soutenir le bilinguisme de notre enfant. Si nous ne le faisons pas, personne ne le fera! À la question : « est-ce que le bilinguisme et le TSL coexistant est si facile? », je réponds « Non ». Mais (il y a toujours un mais), aucun n’est unilingue et TSL. Les enfants avec un TSL ont de la difficulté à apprendre le langage. Point final. Que ce soit une langue ou deux, ils auront de la difficulté. Le bilinguisme est possible et il vaut la peine si les deux langues sont importantes dans la famille. Pour les enfants bilingues qui ont un TSL, la réponse n’est pas aussi simple que d’abandonner l’apprentissage d’une langue. Ça ne devrait pas l’être! La langue d’origine fait partie du patrimoine de l’enfant. Nous devons nous rappeler que le bilinguisme n’est pas toujours un choix, il est intrinsèquement lié à notre culture et il est un mode de vie. Saviez-vous qu’il y a plus de personnes bilingues que de personnes monolingues dans le monde entier? Pourtant, nous pensons toujours que le bilinguisme est une chose exceptionnelle! Ce n’est pas sorcier, nous avons seulement besoin de beaucoup de patience et de REC! Comme Marianna Du Bosq dit souvent dans son podcast sur le bilinguisme : Le bilinguisme est un marathon, pas un sprint! Soyez fiers du bilinguisme de votre enfant, surtout si sa langue minoritaire fait partie de votre patrimoine. Il y a amplement de ressources existantes, je vais en partager sur ce blogue dans les futurs billets. Merci de m’avoir lu! Mon prochain billet sera: «Qu’est-ce qu’une langue d’origine et pourquoi est-elle parfois difficile à apprendre» Chantal Mayer-Crittenden, 2015
0 Comments
Leave a Reply. |
AuteureChantal Mayer-Crittenden, Ph.D., SLP Reg CASLPO Archives
July 2018
Catégories
All
|